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Sa majesté des mouches

DD

Difficulté **

Profondeur ***

Originalité ***

Emotions ****

Prix Nobel de littérature, William Golding incarne la littérature britannique du vingtième siècle : moins fière, plus sombre, moins aristocratique, plus réelle, elle assume les ténèbres de la nature humaine avec Burgess, Christie, Woolf, Orwell …« Sa majesté des mouches », vendu à plus de 10 millions d’exemplaires, fait pourtant d’abord penser aux « Enfants du capitaine Grant » ou aux « Robinsons suisses », mais la folie s’empare rapidement des personnages, les plongeant dans un drame que ne renieraient ni Tchekhov ni Camus.
 

En effet, la plume léchée de Golding, si précise dans les descriptions d’une nature belle et angoissante, accélère avec violence dans des dialogues souvent absurdes et répétitifs ou des scènes d’action sanguinaires et effarantes.
Il traite ses héros à peine adolescents avec réalisme, ne dissimulant jamais leur cruauté naturelle, mais aussi avec compassion en soulignant toutes leurs faiblesses. Pragmatique, il distingue clairement les personnages principaux, notamment du groupe informe et trouble des « petits », jamais dénombré ! Ralph, Jack, Porcinet, Simon … sont ainsi décrits avec justesse et vivent devant nos yeux. Ils n’en restent pas moins les éléments sacrifiables d’un corps plus grand qu’eux : la société humaine.

 

Car les deux thèmes sont là : société et folie, et Golding les déroule en finesse, touche après touche, jusqu’à l’hallali final. Écrivain, il ne se pose pas en juge et laisse au lecteur méditer sur l’équilibre de la civilisation et la santé mentale. Ainsi les personnages de Simon et de Roger sont trop étranges et l’auteur suggère un dérangement intrinsèque, propre à leur psyché. L’imaginaire des enfants, abandonnés à leurs peurs primales, délivre des pages d’angoisse qui expliquent l’effondrement de toute morale.
Les références religieuses, expurgées pourtant par l’éditeur, se limitent finalement au titre : innocent en français, il est en anglais une dénomination de Belzébuth : « Lord of the flies ». Et de fait, l’auteur n’impose pas une foi qui serait sauveuse, se contentant de livrer une dérive païenne angoissante.

 

Souvent étudié par les jeunes adolescents, « Sa majesté des mouches » est pourtant une œuvre sombre, quasi psychanalytique, touchante et troublante.

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