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Tandis que j'agonise
Difficulté **
Profondeur ***
Originalité ****
Emotions ****
Ce livre relativement peu connu en France a marqué de nombreux auteurs dont Garcia Marquez, Vargas Llosa, Barrault, Simon, avec son choix original et troublant de multiplier les narrations internes par différents personnages, sans assumer de chronologie linéaire (technique dite du courant de conscience).
Faulkner, prix nobel de littérature, propose ici la prose la plus poétique jamais écrite. Elle alterne en effet des phases incantatoires avec ses phrases répétées par les personnages les plus gênés dans leur expression, des descriptions sublimes et des réflexions métaphysiques troublantes de la part des êtres les plus philosophes.
La répétition des évènements, dans une chronologie parfois décalée, liée à la multiplicité des narrateurs, ajoute à la mélopée de la prose dans une approche quasi hypnotique. Pourtant la lecture reste fluide et l’intérêt n‘est pas aliéné par la folie de l’écriture. La perfection de cette poésie est telle que l’auteur peut assumer un niveau de langage et de pensée très frustes sans trahir la réalité de son personnage, ni le style de son œuvre.
La mort omniprésente paraît engendrer progressivement la folie chez les membres de la famille. On réalise cependant que cette démence n’est qu’exacerbée par le voyage : le cadet vit dans un monde imaginaire, Darl est depuis toujours jugé étrange, Jewel est intrinsèquement différent, Anse n’appartient pas vraiment au monde des hommes …. Mais la vraie folie est collective : chacun apporte sa dérive a des tribulations hasardeuses, contribuant à des malheurs inutiles et souvent ignorés des autres membres de la famille.
Leurs rapports sont d’ailleurs bien difficiles à lire: l’indifférence prévaut chez Anse et Jewel, alors que l’empathie de Darl, Dewey ou Vardaman peine à exister face à leurs angoisses. La solitude de chacun est criante tant la communication est absente. Seul Cash (et Dewey avec son petit frère) semble s’efforcer de maintenir une forme de cohésion. Chaque personnage reste pourtant profondément humain, attachant malgré ses faiblesses.
Ce regard fraternel sur la ruralité des années 30, sans mépris ni pitié, refuse le tragique au profit d’un réel qui alterne noblesse et absurdité, amour et froideur.
Un chef d’oeuvre, qui partage beaucoup avec « De sang froid », « Oncle Vania » ou « La mort d’Ivan Illitch ».