
Le jeu de l'amour et du hasard
Difficulté **
Profondeur **
Originalité ***
Emotions ***
Parfois considéré comme léger, l’auteur incarne à lui seul la comédie de boulevard : le terme marivaudage l’a immortalisé. « Le jeu de l’amour et du hasard » est sa pièce la plus jouée au sein d’une œuvre massive de plus de 40 unités.
La plume est vive mais respire encore le classicisme : respect des trois unités, etc … L’histoire est cadencée par les révélations d’identité qui atténuent progressivement le risque initial de crise grave jusqu’à un final heureux.
L’amour est supposé central dans la pièce mais il est traité dans le respect des conventions d’alors : seule Silvia éprouve des sentiments suffisamment actuels pour nous toucher. Les passions masculines sont, elles, bien trop hystérisées et l’affection de Lisette un peu trop intéressée. Si les personnages masculins apparaissent émasculés par leur amour instantané, passionné et un peu décérébré, les personnages féminins sont modernes, touchants et audacieux.
Le sujet de l’identité est traité avec humour mais plusieurs moments étranges révèlent une profondeur inattendue : les serviteurs, rapidement enivrés par leurs rôles, perdent pied et ont bien du mal à rendre leur fonction à leur maître, tandis que la parentèle ne semble plus trop savoir qui doit épouser qui au milieu de la pièce. Car la relation maître serviteur, ô combien présent dans le théâtre du 18e, est ici particulièrement mise en valeur : la soumission des derniers n’étant guère évidente quand les premiers ont tissé avec eux une relation forte.
Une pièce pleine d’émotions qui s’oppose au « Dom Juan » de Molière, cynique et sombre.