top of page
coh.jpg

Belle du seigneur

Difficulté ****

Profondeur ***

Originalité ***

Emotions **

Considéré comme l'un des grands romans de langue française du XXe siècle, qualifié de « chef-d'œuvre absolu » (Joseph Kessel), « comme une culture en produit une douzaine par siècle » (François Nourissier), ce roman connaît aussi un succès public de très grande ampleur. Mais l'oeuvre est difficile d’accès : cet écheveau étrange de romantisme évanescent et de naturalisme pesant respire la nostalgie d’un monde perdu. Si le destin d’Ariane a séduit les lectrices, expliquant le succès du livre, la légèreté de Solal ne suscite guère d’empathie chez les hommes. 

Heureusement la plume de Cohen anime de nombreuses pages par son classicisme élégant. La description d’un monde déjà obsolète avant la deuxième guerre : fonctionnaires débonnaires, châtelains margoulins, princesses sensuelles …, étonne et attendrit le lecteur. 

Mais il est difficile de s'intéresser à l’activité professionnelle de Solal ou à l’histoire de ses exotiques amis : ces sujets datés n’ont aucun lien avec le couple et disparaissent avec l’exil. Comme les personnages flirtent tous avec l’hystérie, le lecteur est mis à distance, observateur d’un univers décalé et lointain. D’ailleurs l’histoire, comme le couple, s’efforce d’ignorer la violence de la deuxième guerre mondiale dans une retraite du monde, finalement délétère pour les deux amoureux.

Car l’intérêt primal de ce roman est de démontrer les limites de la passion amoureuse. Malheureusement cette partie du livre apparaît après des centaines de pages consacrées alternativement à une Ariane bovarienne et un peu frivole et à un Solal généreux mais superficiel: l'auteur rate d'ailleurs un peu le romantisme et la sensualité de leur passion. Le titre même en dit long sur l'asymétrie de cette relation plutôt médiévale.... Cette thématique de l'amour altéré par l’oisiveté et l’absence des autres est pourtant furieusement moderne: l’autre doit rester fantasme et miroir de soi auprès du monde pour être désiré. Autrement le couple devient une prison, voici le message de « Belle du seigneur ».


Cette réflexion profonde est réservée aux lecteurs aguerris tant l’œuvre digresse, divague et se divertit d’elle-même.

bottom of page