Le temps de l'innocence
Difficulté ***
Profondeur ***
Originalité **
Emotions ***
Wharton est moins célèbre que ses consœurs de la BE, alors qu’elle obtint le premier Pulitzer décerné à une femme. Son œuvre la rapproche de Woolf dans sa description cynique et entomologiste d’une société aristocratique fermée sur elle-même et source de souffrance pour ses membres. Mais elle s’en distingue par une approche plus positive, soulignant la fragilité du système et la beauté de certaines âmes.
Le « temps de l’innocence » dont le début, à l’instar d’autres œuvres ancrées dans un monde lointain comme « le seigneur des anneaux » ou « orgueil et préjugés », est un obstacle touffu et obscur, raconte une histoire d’amour impossible dans un monde froid et corseté : le New-York de 1870. Si le genre paraît désuet et épuisé, ce roman le transcende par son élégance et une conclusion sublime.
La plume de Wharton décrit avec style le contraste permanent de la vilénie des hommes et du luxe de leur existence.
Cette aristocratie de quelques familles richissimes est fascinante à observer : une oisiveté quasi totale régie par des codes rigides et des valeurs finalement assez nobles comme l’honnêteté, la famille, la fidélité. Elle génère une liberté complète totalement entravée par le regard des autres.
Ainsi le personnage principal peut voyager à sa guise à travers les États-Unis mais doit répondre de tous ses actes et de toutes ses opinions, sans jamais afficher d’émotion forte.
Ce paradoxe est à la source d’une solitude douloureuse encadrée par une coterie de femmes âgées et puissantes qui paralyse leur communauté. Les dernières pages, semblables à un épilogue, étourdissent le lecteur par leur fulgurance et leur densité : tout sera dit !
Une œuvre d’une grande beauté et d’une rare élégance, qui nécessite une certaine maturité pour en apprécier toute l’humanité.