top of page
gog.jpg

Les âmes mortes

Difficulté ***

Profondeur ***

Originalité **

Emotions **

L’incompréhension est intrinsèque à Gogol et à son oeuvre : contraint par la censure, obsédé par la religion, vénérant Pouchkine et la grande Russie, auto-exilé en Europe, l’auteur s’est constamment cherché et ce titre en est la transcription la plus authentique. Sa plume protéiforme incarne ces paradoxes : elle assume une authentique poésie de la nature, une précision balzacienne du décor et des dialogues tour à tour rugueux, mystiques ou tragicomiques.


Dans « Les âmes mortes », Gogol voulait décrire la Russie provinciale et féodale à travers des archétypes marquants. L’oeuvre devait d’abord comporter trois parties, dans une élévation morale progressive à l’instar du voyage mystique de « La comédie humaine ». Gogol détruisit à deux reprises ses travaux sur le deuxième tome qui était finalement dédié à la rencontre de profils moraux édifiants. Ayant choisi de commencer par les ´scélérats’, l’écrivain froissa la fierté de certains de ses compatriotes, vexés par cette comédie ambitieuse. 


Car Gogol décrit ici la décadence morale des russes comme le titre le souligne violemment : les âmes de ses compatriotes, salies par leurs vices, seraient comme éteintes. Dissimulant ce propos, « Les âmes mortes » se traduisent dans le récit comme le statut particulier des serfs décédés qui restent attachés à leur propriétaire, fiscalement notamment, jusqu’au prochain recensement.  


En cela l’auteur fournit un double sens omniprésent et construit la mise en abime intrinsèque à son roman. Le projet du héros est en effet viscéralement celui de l’écrivain : la réussite par la création d’un espace virtuel, un domaine dans un cas, une histoire dans l’autre. Gogol se permet d’ailleurs de rompre le quatrième mur : il interpelle régulièrement le lecteur dans une mise en abîme qui renvoie à nouveau au sujet de la création littéraire. 


La folie de l’auteur, admise de son vivant, s’incarne dans ces commentaires directs : désordonnés, personnels, voire superficiels, ils viennent parasiter l’œuvre et mettent l’écrivain au niveau de ses personnages. Égotique, prétentieux, ironique, il leur ressemble. D’où l’ambivalence de l’ouvrage : ces êtres si moyens mais si réels, si imparfaits mais tellement humains, sont finalement nos frères. Ce récit sardonique et critique est en fait, comme l’auteur l’a toujours dit, une déclaration d’amour à la Russie. 


Ce pilier de la littérature russe est une œuvre unique par ses paradoxes et ses étrangetés.

bottom of page