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Vie et opinions de Tristram Shandy

Difficulté ****

Profondeur ***

Originalité ****

Emotions ***


Il n’est pas facile même pour un lecteur enragé d’enchaîner Sterne et Burgess, soit 2000 pages racontées à la première personne, sans plan précis, une ironie constante et des personnages un peu ridicules. Les deux narrateurs sont de plus des écrivains qui flirtent avec l’autobiographie : le parallèle est difficile à digérer sur de tels volumes. Enfin cette œuvre a été publiée comme un feuilleton, en 9 tomes, et n’avait pas vocation à être lue en une seule fois.


Car Sterne développe une approche volontairement digressive, inconclusive et dilutive, qui déroute et éparpille l’intérêt. Incroyable est sa capacité à raconter si peu de choses en tant de pages : sa naissance, un accident, un petit voyage, l’histoire de son oncle constituent pratiquement la totalité des événements. Ce n’est pourtant pas ennuyeux (mais un peu lassant parfois quand même) car rempli de dialogues typiques de l’humour anglais, de réflexions savamment absurdes et de remarques étonnamment coquines pour un pasteur de l’époque. 


Une partie significative du récit est par exemple animée par des discours directs du narrateur à des lecteurs fictifs et évolutifs : « madame », « votre honneur » ou « monseigneur ». Il désamorce dans certaines interpellations les futures critiques, comme Gogol le fera plus tard dans « les âmes mortes ». Cependant son approche diffère, car le narrateur (qui n’est pas l’auteur) nous livre ses propres souvenirs et la mise en scène qu’il en fait. Le lecteur est à la fois impliqué dans la construction du récit et dérouté par l’explication souvent alambiquée de celle-ci.

Après le 4e mur de la fiction, Sterne casse de plus les codes physiques du lettrage pour incarner une autre dimension du récit, presque interactive, avec des expérimentations calligraphiques : pages blanches, marbrées ou noires, tirets sur 6, 20 ou 50 caractères, étoiles de fausse censure sur plusieurs lignes…


Sur la forme, Sterne reste donc unique malgré un classicisme stylistique à la Swift ou à la Voltaire. Sur le fond, sa composition chaotique et labyrinthique lui permet une modernité souvent iconoclaste dans ses considérations sur la science, la médecine, la religion, les classes, les races … L’ironie trouble pleine d’autodérision du narrateur limita en effet les réactions agressives vis-à-vis de l’auteur.

Inspirateur de Diderot et cité par les plus grands auteurs classiques français, Sterne s’appuie dans « vie et opinions de Tristram Shandy » sur deux références majeures de l’époque : Cervantes, membre de la BE, dont la satire est louée et imitée et Locke, symbole de ce site et philosophe de renom. Cet attelage rend le titre incontournable.


Une œuvre folle, fondatrice du roman moderne et source d’inspiration : morale, intellectuelle et artistique.

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