Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur
Difficulté **
Profondeur ***
Originalité **
Emotions ****
Harper Lee est une des 6 écrivaines de la BE et probablement la moins connue, la faute à un unique roman (comme Toole). Mais quel roman ! Prix Pulitzer, 40 millions d’exemplaires vendus, « ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » est considéré comme le meilleur roman anglo-saxon du XXe siècle par les libraires. On notera pour l’anecdote ce lien surréaliste avec Truman Capote : voisin de jeunesse de l’auteur, il est à l’origine du personnage de Dill !
Les narrateurs enfantins sont rares dans la BE car ils limitent souvent l’intérêt de l’œuvre : style simple, thèmes académiques, réflexion binaire… mais Harper Lee sublime tout cela avec un naturel déconcertant : son héroïne Scout grandit avec les événements, la plume s’échappe discrètement de ses réflexions de petite fille, la profondeur et la subtilité des personnages nourrit des sujets graves intemporels. « Le petit prince » et « Alice au pays des merveilles » sont les autres magnifiques exceptions à cette nécessité d’un point de vue adulte. Cette perception enfantine crée une atmosphère humoristique et mystérieuse, qui mène à des moments d’une rare beauté.
Car certaines scènes touchent au sublime comme le premier jour d’école de Scout, l’émeute avortée au tribunal, les quelques mots de Boo Radley chez les Finch, … Pas de mièvrerie pourtant, l’héroïne exprime ses émotions, puis, la dureté de la vie quotidienne n’étant jamais loin, retourne affronter l’existence. Aspiré d’abord par la pureté de Scout, le lecteur sera ensuite charmé par tous ses proches, leur naturel, leur générosité et leur passion : la famille Finch, Dill, Mme Maudie, le shérif Tate….
La finesse avec laquelle Lee décrit le Sud et ses troubles, son conservatisme et sa beauté, sa générosité comme sa mesquinerie, nous permet d’en apprécier toutes les facettes et tous les habitants. Le père de Scout, Atticus Finch, héros absolu, ne procède pas autrement dans le récit, cherchant toujours à faire grandir son prochain, dans une apologie brillante de la différence. Le récit de sa fille est ainsi l’incarnation en abîme de cette volonté.
Ce chef d’œuvre emmène l’enfance, le racisme, la pauvreté et la religion dans un récit dynamique, drôle et touchant qui parle à chacun d’entre nous.