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Fictions

Difficulté ***

Profondeur ****

Originalité ****

Emotions ***

La nouvelle est un genre ignoré que seuls les amateurs de S-F et de fantasy ont encore le plaisir de lire. Sans surprise la BE n’en contient que 3, si on exclut « Candide » et « La mort d’Ivan Illitch », la longueur desquelles les apparente plus à un court roman. Poe et Swift, précurseurs des novélistes de S-F et de fantastique, ont précédé Borges. Ce dernier s’inscrit dans cette lignée, mais se rapproche d’une littérature traditionnelle avec des thèmes philosophiques, métaphysiques ou artistiques et un lien plus marqué au réel. 

 

Le recueil de nouvelles ne se résume pas facilement et sa variété contrarie fortement le critique. Pourtant il offre au lecteur un panel dense et tendu de l’imaginaire de son auteur : les idées, les thèmes, les styles, les personnages se succèdent et parfois s’opposent d’un conte à l’autre.

La brièveté de chaque récit ne diminue en rien sa complexité ou sa précision : avec une plume élégante, précise et riche, Borges concentre son texte sur son sujet, écartant souvent toute forme d’introduction et réduisant la conclusion à quelques lignes brillantes. 

Un bon tiers des nouvelles développe des réflexions sur l’écrivain et le livre, citant Shakespeare, Christie, Flaubert, Céline, Joyce, Cervantes, Homère, Virgile, Carroll, Goethe, mais aussi des œuvres fantasmées par Borges. Cette mise en abîme de l’écriture mérite à elle seule la place de « Fictions » dans la BE, mais les autres thématiques enrichissent profondément le recueil : la religion est très présente (5 récits) dans ses dérives mentales, le temps et sa potentielle cyclicité également (5 récits), la maladie et sa transformation de l’âme (3 récits), la mort et ses vertus (4 récits), l’identité (3 récits) et la morale, l’esprit et ses mystères (3 récits). Le compte est évidemment surnuméraire car ces thèmes s’empilent judicieusement et joyeusement d’un conte à l’autre. 

Dans « Fictions », Borges traite ainsi de la métaphysique, de la « méta littérature », mais aussi du corps et de l’esprit. Il touche à l’âme du lecteur avec des sujets troublants, des interrogations anciennes et des réflexions parfois ésotériques, qui aident à penser le monde.

 

Ce chef d’œuvre, unique au 20e siècle, délivre une modernité thématique rare dans un classicisme stylistique brillantissime. Cet auteur sud-américain universaliste élève l'esprit du lecteur à une altitude sublime. 

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