Things fall apart
Difficulté *
Profondeur ***
Originalité ****
Emotions ***
« Things fall apart » et ses 20 millions d'exemplaires vendus est à l’Afrique, ce que « le temps de l’innocence » est à New-york : la description subtile de la fin d’une ère. Achebe se distingue cependant de Wharton par la nostalgie qu’il apporte là où sa consoeur évoque surtout le malheur engendré par des codes anciens et injustes.
Les scènes répétées de salutations, de fêtes et de repas inscrivent l’histoire du héros dans une continuité ancestrale et un quotidien toujours identique. En cela, Achebe parvient magnifiquement à rendre l’atmosphère et la réalité d’un monde ancien et pauvre.
Le personnage central, plutôt antipathique (violent, colérique, ambitieux, austère, taiseux) et incarnation d’un monde passé dédié à la force et au courage, appartient certes aux antihéros, mais d’une façon très subtile : le lecteur sent une psyché non dénuée d’affect qui aurait pu s’épanouir de manière positive dans un monde différent et/ou qui n’aurait pas ostracisé son père.
Ce parti-pris de réalisme, qui limite l’empathie du lecteur aux personnages secondaires, plus doux et touchants, traduit toute l’ambiguïté de la transition historique de cette tribu africaine vers la modernité. On comprend que cette révolution évitera à l’avenir les violences et les crimes racontés dans le roman, mais la beauté d’une société traditionnelle (entraide, fraternité, écoute, proximité, courage, …) disparaitra avec elle.
L’approche morale est déroutante : les dangers de la religion animiste et la violence du système clanique sont clairement soulignés, comme les avantages en termes d’humanité d’un gouvernement et d’une religion moins barbares, pourtant on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine tristesse devant la fin pathétique d’une culture fière.
La conclusion radicale du roman achève brillamment une histoire dure et crédible : l’histoire en marche écrase toute opposition sans égard, ni respect. La morale de cette sublime fable est amère et demande une certaine maturité pour être appréciée.
Une œuvre rare, inattendue et nécessaire.