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Les mains sales

 Difficulté **

Profondeur ****

Originalité ****

Emotions ****

Sartre est reconnu comme un philosophe majeur, mais le dramaturge, scandaleux et politisé, était également plébiscité. « Les mains sales », pièce triomphale à sa sortie, représente une symbiose brillante de ces deux esprits redoutables, qui justifie le prix nobel de littérature. En effet, elle raconte le parcours d’un jeune révolutionnaire idéaliste, chargé d’un assassinat, et sa douloureuse incompréhension des réalités politiques pragmatiques. 

Le style lui-même est dual, mélange de modernité et de classicisme. L’approche du retour dans le passé, aujourd’hui familière, les dialogues vifs et directs, un personnage d’enfant/courtisane (Jessica), la modernité d’Olga, femme forte, viennent en effet s’opposer à la plume précise et raffinée de Sartre, au personnage naïf d’Hugo ou à la balourdise des gardes du corps.

Le rythme est enlevé et fait la part belle aux moments absurdes, dans la lignée des surréalistes, ce qui allège une histoire au demeurant très sombre.

 

Ce choix élégant à la Tchekhov facilite l’accès à cette réflexion profonde qui sous-tend le récit : la morale a-t-elle sa place dans un conflit ? Les moyens les plus ignobles ne condamnent-ils pas les meilleures intentions ? La révolution doit-elle sacrifier ses enfants pour exister ?

La réponse de Sartre, telle que je l’interprète à travers les doutes et les décisions de son héros, Hugo le bien nommé, est plutôt claire : il est impossible d’obtenir le bien une fois le sang versé, les sacrifices moraux et personnels venant troubler ad vitam la vision et l’âme des protagonistes.

 

Le titre trahit clairement cette réflexion : l’expression est entachée, sans jeu de mots, d’une cruauté plutôt repoussante, alors que le héros incarne la jeunesse passionnée, éprise de justice et empathique. Sa rencontre avec les bassesses de la politique génère tout au long du récit compassion et tristesse.

Cette pièce majeure, écrite alors que le marxisme de Sartre est paradoxalement à son apogée, dénonce l’approche radicale et inhumaine des idéologies de son époque, avec toute la finesse d’un dramaturge. Sublime et profond.

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