
L'archipel du goulag
Difficulté ***
Profondeur ****
Originalité ****
Emotions ****
Déjà Prix Nobel de littérature, Soljenitsyne décide la publication de cette œuvre unique après la découverte par les autorités soviétiques de certains extraits. Cela lui vaudra l’exil, sa célébrité lui épargnant une nouvelle déportation (l’originelle ayant été racontée dans « une journée d’Ivan Denissovitch »).
Ce documentaire littéraire hors du commun allie une recension globale du système concentrationnaire soviétique (jusqu’en 1958) à une réflexion philosophique et politique de la part de l’auteur, victime lui-même. La plume de Soljenitsyne, envoûtée par les esprits de ses frères de souffrance, tourbillonne du factuel statistique à la prose enflammée en ajoutant chants, descriptions littéraires, moments de poésie, analyses historiques, sans jamais lasser ni égarer le lecteur.
J’avais choisi prudemment la version abrégée (800 pages), incertain quant à l’intérêt d’un tel volume. Je fus détrompé et dévorai le pavé en trois jours. Tel un génie qui rend passionnant la déclamation de l’annuaire, Soljenitsyne énumère portant avec rigueur et structure les étapes du processus de déportation à travers les époques et les régions de l’empire.
Il s’appuie aussi bien sur les milliers de lettres qu’on lui a envoyées que sur les œuvres littéraires de ses prédécesseurs ou sur son vécu. La profondeur de l’analyse en est transcendée : anecdotes, comparaisons historiques et souvenirs douloureux se mêlent pour former un texte puissant, réel et juste.
Ce chef d’œuvre enseigné en Amérique et en Russie est un document historique, politique et philosophique. Sinon, ce serait le plus grand livre de tous les temps.