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Le Décaméron

DD

Difficulté ****

Profondeur **

Originalité ***

Emotions **

On est ici dans la mythologie littéraire : le « Décaméron » fait partie des œuvres imposantes et universelles comme « l’Odyssée, » « Les Mille et une nuits », « la Divine comédie « et  « Don Quichotte ». Considéré comme le premier chef d’œuvre de la prose littéraire en langue vulgaire, il a directement inspiré 19 contes de La fontaine, mais aussi Molière, De Musset, Chaucer et Shakespeare.

 

Ce pavé inclut 100 histoires racontées sur dix jours par dix narrateurs récurrents. Il serait malhonnête de dire que la lecture est facile et variée : les histoires, essentiellement focalisées sur des couples empêchés, se ressemblent dans un style ancien et un peu précieux.  L’abus de l’hyperbole systématique et répétée identiquement minimise par l’usure le réalisme des récits (on pense à "la chanson de Roland"). 

 

Pour autant les étonnements sont nombreux. D’abord le voyage est permanent dans une époque pourtant reculée et le plaisir est grand de parcourir l’Europe, voire de traverser la Méditerranée. Ensuite le rapport iconoclaste à la religion est tellement agressif que le lecteur moderne en est abasourdi: les moines fornicateurs alternent ainsi avec les prêtres corrompus. Enfin l’amour, thème central des nouvelles, est certes sublimé et romancé mais s’incarne, et doit s’incarner pour les narrateurs, dans sa pratique la plus crue. Le « Décaméron » flirte avec la gaudriole en permanence !

On déplorera cependant la faiblesse et la similitude des passages entre les journées et des transitions entre les récits, alors que l’entame préalable (le départ de Florence dévastée par la peste) était riche et prometteuse. Les récits d’une même journée diffèrent peu, mais les différentes journées se ressemblent aussi beaucoup, ce qui pèse sur le lecteur. J’ai pensé ainsi aux « histoires extraordinaires de Poe » qui regroupaient des histoires aux thématiques similaires pour le même impact somnifère. La géométrie parfaite de la structure (10x10) aurait dû s’accompagner d’un travail appuyé sur les narrateurs et sur les thèmes pour mieux varier les textes et le style.

Cette œuvre majuscule se lit par tranches et distille un récit hypnotique par ses répétitions innombrables. Ce trait d’union entre les antiques et les classiques sera reçu par beaucoup comme une œuvre médiévale démodée, à la façon de Rabelais, elle mérite pourtant d’être parcourue pour son insolence et son ambition.

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