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A la recherche du temps perdu

DD

Difficulté ****

Profondeur **

Originalité ***

Emotions *

Proust appartient à une sainte trinité de la littérature, avec Dostoïevski et Joyce, qu’il vaut mieux encenser pour éviter les anathèmes… J’ai déjà exprimé certaines critiques sur les deux derniers et je vais, inconscient, poursuivre cette tendance personnelle. « A l’ombre des jeunes filles en fleur » a obtenu le prix Goncourt et constitue le deuxième tome de « la recherche du temps perdu », œuvre colossale et unique. Le temps perdu est ici celui de la séduction.


La plume de Proust est unique, multipliant les incises, les parenthèses et les métaphores, favorisant dans les descriptions la musicalité et la symbolique des mots. Elle entoure des dialogues d’un niveau de langage aujourd’hui disparu, qui donnent à chaque personnage une voix singulière.
Heureusement car le nombrilisme du narrateur ne donne aux autres acteurs qu’une forme, longuement étudiée, ajustée, puis souvent ignorée. Alors que le héros énonce des besoins affectifs vitaux, il oubliera en effet tous les Swann, sa mère, Robert de Saint Loup, Elstir, au bout de quelques jours ou semaines.


Cette immaturité ne bénéficie d’aucune analyse objective, malgré des réflexions intérieures infinies, ce qui constitue la limite d’une psyché à la fois sensible et égoïste.
Aussi le thème de l’amour est ici déconstruit par une conscience obsédée d’abord par son désir en tant que tel et ensuite celui de l’autre pour lui, mais pas par son accomplissement ou le couple, dont l’idée est expurgée de l’univers Proustien. 

L’art (peinture, littérature) est décrypté avec toute la complexité dont l’auteur est capable et vient alimenter le thème majeur du souvenir. Chacun jugera de l’intérêt de cette obsession pour le passé, cristallisée sur l’importance des premières rencontres, de la découverte d’un visage ou d’un lieu, et de la perte d’absolu qui en résulte : la vision fantasmée meurt, la relation réelle se réalise et, souvent, s'effiloche progressivement.

Je comprends mieux l’adoration de Proust que la vénération de Dostoïevski ou Joyce, mais je préfère lire ces derniers ! En effet, Proust fonctionne sur trois piliers de lecture : l’analyse psychologique et sociale, dans laquelle il atteint un niveau de finesse impressionnant et une vraie drôlerie, l’introspection du narrateur, dont la pensée et la psyché fragiles, obsessionnelles et égotiques usent l’intérêt du lecteur, et enfin la description des lieux, objets et scènes, stylisée à l’extrême qui traduit l’humeur du personnage avec élégance et subtilité. Cette poésie ciselée produit une lassitude similaire à celle de Lowry : le récit déjà vaporeux s’affaisse encore sous le poids des mots.

 

Une œuvre majuscule réservée aux lecteurs courageux, aux esthètes ou aux freudiens mélodramatiques.

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