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Kim

DD

Difficulté ***

Profondeur ***

Originalité ****

Emotions ****

 

Rudyard Kipling fut le premier prix Nobel de littérature anglais et c’est probablement « Kim » qui lui valut cet honneur. Moins connu que « le livre de la jungle », ce roman réaliste constitue en effet le trait d’union étrange entre sa poésie très morale et ses œuvres romanesques souvent perçues comme enfantines. Cet adorateur de Lewis Caroll soutient ici la comparaison avec Joseph Conrad.

 

Car « Kim » trahit la psyché complexe d’un aristocrate anglais né en Inde et nostalgique à jamais d’une enfance merveilleuse. Le héros adolescent, hybride d’irlandais, de petit voleur des rues et d’incarnation de toutes les indes, est bien un double joyeux de Kipling qui respire son pays à chaque pas et à chaque mot.

 

Kim sublime en effet toute forme d’archétype : « l’ami de tout au monde » se métamorphose à volonté, alliant empathie, déguisement et connaissance infinie de son pays. Son propre questionnement : « qui est Kim ? » traduit bien l’incarnation qu’il est d’une Inde rêvée par l’auteur.

 

Une Inde fascinante, pluri-religieuse, dont la violence n’est pas cachée mais souvent mise à distance pour épargner le lecteur. Largement visitée par le héros, incarnée aussi par les personnages secondaires, détaillée dans ses couleurs et ses odeurs par un Kipling précis et passionné, la région inspire à l’auteur des pages sublimes où les langues et les religions se côtoient sans heurt. 

 

Car la plume de Kipling fricote avec la magie en alternant sensualité, discours religieux, grêles d’insultes, poésies bouddhistes, foules bigarrées, paysages sauvages, trains bondés, marches douloureuses et dîners abondants.

 

L’histoire, parfois noyée dans la découverte de ce monde sublime, est un récit d’initiation picaresque dans lequel les figures paternelles se multiplient pour aider Kim à trouver sa voie. Le personnage du lama, omniprésent dans les pensées du héros, les transcende toutes, à la fois maître et serviteur, sauveur et dépendant, brillant et fou. La fin ouverte affirme encore la nature humaniste de ce texte profondément positif. 

 

Cette déclaration d’amour à l’Inde, totale et belle, n’a pas d’égale dans la BE en termes d’exotisme, de fraternité ou de bonté. Il faut lire « Kim » pour comprendre ce charme puissant et l’adoration par Wilde, l’imitation par Borges, aux antipodes d’un mépris critique si fréquent pour les auteurs appréciés par les enfants, comme Vernes ou Dumas.

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