La condition humaine
Difficulté ***
Profondeur *****
Originalité ****
Emotions ***
Prix Goncourt le plus vendu avec 5 millions d'exemplaires, le titre est de plus le 5ème livre préféré du vingtième siècle de la liste du Monde/Fnac. Attention chef d’œuvre, et attention réservé aux plus de 30 ans, il faut une certaine maturité pour entrer dans cet univers sombre, surréel et désespérant.
Les dimensions sont multiples : axe historique passionnant qui raconte le début de la révolution communiste dans une Chine encore ouverte à l’occident et sa répression meurtrière, axe politique avec une réflexion continue sur le financement des parties en guerre et l’implication des différentes couches sociales, axe psychologique dévoilant les personnages les plus étranges et les plus touchants de la littérature moderne, notamment à travers leur rapport à la mort, omniprésente dans le récit.
La dimension poético-littéraire, qui justifie à elle seule le Goncourt, transperce le texte avec une force et un style inouïs, à la fois moderne par sa vivacité et classique par son élégance. Il m’est difficile de lui trouver un comparable tant la langue est belle et vivante, hybride de Balzac et Céline peut-être.
Pour une histoire militaro-politique, les femmes ne sont pas oubliées. Si la sensualité qu’elles exercent presque toutes (May, Valérie, la prostituée flamande) sur les hommes peut interroger sur la vision obsessionnelle de l’auteur, il est indéniable que leur force est supérieure et les trois survivent d’ailleurs, sans avoir jamais trahi leurs valeurs.
La noirceur est pourtant bien présente et aucun des personnages ne réchappe vraiment de la répression. La mort physique des « héros » de la révolution, qui sont ici aussi nos héros, ne doit pas cacher la déchéance de Ferral, le désespoir de Gisors ou la dépression de Clappique.
Le titre ne promet aucune complaisance : implicitement, il sent déjà la misère. Les conditions de vie terribles des ouvriers chinois, les dégâts psychiques de la guerre, les aléas de l’amour, nombreux sont les sujets décrits par l’auteur pour montrer les plaies de l’humanité. Le personnage de Hemmelrich incarne à lui seul toute cette souffrance, dont il peut enfin se délivrer par le sacrifice de sa vie.
Cette vision crépusculaire synthétise Zola et Flaubert dans son approche contemporaine et totale : Malraux aborde ici tant de caractères et de peuples qu'il en touche l'humanité.